Quel drôle d'endroit... [PV Mwitu]

Cet endroit, Mwitu l'appréciait beaucoup. C'était un endroit calme, et surtout sans Bipèdes, une chose rare dans ce village qui était leur propriété. Et surtout, une chose extrèmement appréciée par le chien-loup, car il pouvait se laisser aller à ses rêves. Il aimait beaucoup rêver, cela permettait à son esprit de faire un tri, et cela lui faisait oublier un peu sa liberté perdue ici. Sa liberté, il y avait renoncé pour essayer de trouver des habitudes qui lui rendraient la vie moins dure, et aussi pour tenter de combler le vide qui était dans son coeur. Son coeur inhabité, avec plus de place qu'il ne lui en faudrait pour finir sa vie. Mais, même ici, il ne trouvait pas de personnes susceptibles de prendre un peu de place dans son coeur. Tous ces animaux étaient simples et fort peu intéressants, et souvent bien moins cultivés que lui. Alors, dans cette vie, il ne pouvait pas non plus combler sa soif de connaissance. Il s'était peut-ê tre trompé, finalement, car tout ce qu'il trouvait ici était la facilité de vie.

Alors qu'il était perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas l'inconnu qui s'approchait.'est n'est qu'un bref mouvement de ce dernier qui fit que Mwitu s'intéressa à lui. Ah, non, à elle, vu son odeur. Et elle, elle était sauvage, et devait vivre dans ces montagnes et ces vastes plaines qu'il apercevait depuis sa niche. Intéressant, peut-être enfin une personne qui pourrait lui en apprendre un peu plus sur la vie et les espaces qui l'entourait. Elle valait peut-être le coup d'être connue. Mais rien n'était sûr, et cela le dérangeait de ne pas savoir comment se comporter avec l'inconnue, bien qu'elle soit elle aussi une bâtarde, au vu de sa queue de loup et son physique de chien. Alors, sur cette suite de bonnes pensées, il décida de la regarder en face, les yeux dans les yeux, et de voir quelle serait sa réaction.

-N'alerte pas, je t'en prie, ton humain. Pour cette fois, je viens en paix, et avec un désir de connaissance. Dis-m'en plus sur ces bipèdes imprévisibles, je veux les connaître...

Tiens, les choses tournaient : il attendait des réponses, mais c'était lui qui allait de voir en donner. Bien, la pauvre chienne-louve allait être bien déçue...

-Alerter qui, alors que je n'obéis à personne ?? Je renie les Bipèdes, je ne suis ici que pour trouver des réponses, un peu comme toi. Et tout ce que je sais, c'est qu'ils ont besoin de nous pour tirer leurs traîneaux, et pour les aider à chasser et se nourrir. Ici, je suis chauffé et nourri, c'est une bonne chose, mais je découvre aussi de jours en jours. Et toutes ces réponses durement glanées, je ne vois vraiment pas pourquoi je les révéleraient à une sauvage, qui pourrait ensuite les utiliser pour attaquer ces Bipèdes !

Puis, il se détourna, et se dirigea vers la niche. Il réfléchit longuement. Cette inconnue ne semblait pas vraiment méchante, et pourtant elle était sauvage dans toutes ses expressions corporelles ou faciales. Mais, comme lui, elle était curieuse... Oui, mais pour elle, ou pour sa meute ?? Toutes ces questions sans réponses, il ne pouvait pas les poser. Pourquoi ?? Mais parce que cela montrerait qu'il s'intéressait à autrui, et cela pouvait encore l'amener à cette naïveté qu'il n'arrivait pas à contrôler lorsqu'il voulait en savoir plus. Oui, mais on ne renie pas sa nature. Bon, c'était décidé, il allait tenter d'engager une décision posée avec cette femelle. Avant de la rejoindre, il l'observa longuement : guerrière aguerrie, à voir les traces d'anciennes cicatrices peu visibles, mais tout de même présentes, sur sa fourrure. Une bagarre pourrait tourner à l'avantage de l'autre s'il la tentait sans réfléchir. Et là, elle paraissait plus dangereuse que n'importe qui, sauvage et curieuse à la fois.

Il sauta sur le toit de la niche sans élan, sa musculature puissante jouant sous son pelage foncé. Puis, de la niche, il sauta par-dessus la barrière de fer, pour finalement atterrir par terre dans une roulade parfaitement maîtrisée. Au moins ces longues années passées seul lui auront appris ces gestes, et lui auront donné cette agilité qui avait coûté la vie à plusieurs animaux. Et au moins cela lui avait évité de se ridiculiser face à une totale inconnue sauvage. Il s'approcha lentement d'elle, et s'assit de manière à la regarder de profil, tout en gardant un oeil sur le petit croissant de lune qui éclairait faiblement son interlocutrice...

- Attaquer les humains ? Hé, voilà bien une sotte idée ! Je les crains plus que la mort-même, et ne cherche qu'à m'en défendre. Faire couler le sang n'est pas un plaisir. Je chasse ce qu'il faut à ma meute, rien de plus ; et, ma foi ! tuer un humain, voilà une douce utopie dont je ne me berce pas.

Bien, vraiment, cette inconnue était plus que spéciale. Et elle lui ressemblait tant que c'en était plus que troublant. Elle était semblable à lui, bâtarde et curieuse de tout savoir. Cependant, elle ne voulait pas s'attaquer à des Bipèdes, et donc sûrement à tout autre espèce. Voilà également un gouffre qui les séparait : lui, il était sanguinaire, sans état d'âme pour celui qui se trouvait en face de lui, et qui faiblissait sous ses assauts sauvages. Et ce gouffre était encore plus profond du fait qu'elle était sauvage, et lui avec des Bipèdes. Bien qu'eux deux méprisent ces derniers.

Jamais encore il n'avait rencontré une femelle comme elle : elle paraissait presque avoir le comportement d'un mâle, avec la beauté du langage en plus, et l'amour du combat en moins. Elle se fichait de son aspect extérieur, de ce qu'on pensait d'elle, et le montrait clairement par toutes sortes d'expressions que le chien-loup déchiffrait avec un plaisir non caché. Pour une fois qu'il ne devinait pas une personnalité timide et réservée chez une femelle, cela le changeait... Et l'intriguait plus que tout.

Brisant le silence qui s'était installé, il lui répondit, en masquant l'agressivité qu'il avait coutume de montrer lorsqu'il parlait à autrui :
-Tu es très intrigante, comme femelle. Et un peu comme moi, aussi : curieuse au possible. Je te crois, lorsque tu dis que tu n'utiliseras pas mes connaissances en matière de Bipèdes pour leur causer du tort. Comprends juste que je m'inquiétais car les tuer tous serait synonyme d'ignorance à leur sujet jusqu'à la fin des temps. Et cela me déplairait plus que tout, à vrai dire. Cependant, passons un accord : je te parle de ceux avec qui je vis, et toi tu fais de même avec les loups sauvages qui t'entourent...

Il attendait la réponse avec une impatience qu'il avait tout de même du mal à cacher. Jamais encore, lors de ces longs mois passés à visiter les étendues glacées, il n'avait eu l'occasion de rencontrer des sauvages appartenant à une meute. Mis à part quelques anciens exilés, qui n'étaient plus vraiment "à la page" concernant la vie dans ces clans. Et là, il avait une femelle qu'il pensait pleines de ressources et de connaissances à sa portée, tout ce qu'elle lui demandait étant quelques connaissances qu'elle ne possédait pas. Juste milieu entre ce solitaire et cette sauvage, que tout rapprochait...

-Au fait, je m'appelle Mwitu. Cela signifie "Sauvage"...

Il n'avait plus rien à lui cacher, car cette femelle lui faisait oublier toute sa personnalité lui ayant valu ce nom... C'était si étrange que Mwitu secoua la tête, comme pour faire partir cette étrange personnalité qu'il ne se connaissait pas. Mais cela ne changea rien, si ce n'est peut-être la lueur amusée qu'il crut voir dans les yeux de la sauvage...

La louve conta, pendant plusieurs minutes, et Mwitu but littéralement ses paroles. Cette histoire des clans, ces descriptions des lieux, c'était pour lui une eau, le liquide de la vie, et tout ce qui lui suffisait. Des réponses, voilà bien un mot inventé pour lui. Il en recherchait, à toute heure du jour et de la nuit, sans relâche, et aujourd'hui, par un heureux hasard, il en avait trouvé un bon nombre, sorties de la bouche d'une bâtarde, tout simple et sans artifice. Voilà bien une leçon à retenir : une femelle à qui on ne prête pas attention peut s'avérer aussi pleine de ressources que son coeur est plein de vie...

Loyal, Mwitu respecta l'accord, et se mit à parler :
-Les Bipèdes ne sont pas que ce que tu crois, sauvage. Certes, ils ont des armes qui crachent le feu et nous effraient par leur bruit fort et soudain. Certes, ils vous tuent, vous, les loups sauvages qui hantent leurs plaines tout aussi bien que leurs esprits. Mais ils peuvent aussi se montrer bon et généreux, loyaux, et ils nous rendent correctement ce que nous leur donnons. Tu les aide à tuer des animaux à viande, et eux ils te donnent de bons morceaux, avec les os, ce qu'ils ne peuvent pas manger. C'est correct, ils nous fournissent de l'eau tiède, en la faisant un peu chauffer pour éviter qu'elle ne gèle, et nos niches sont bien isolées du vent et de la chaleur, avec quelquefois des peaux d'animaux au sol qu'ils n'utilisent plus pour nous tenir chaud. Mais, toi qui les craint, et surtout les hait parce qu'ils tuent certains d'entre vous, saches une chose: ils vous tuent parce qu'ils ont peur de vous, pas par plaisir. Vous pouvez tuer, leur bétail ou bien eux, et vous êtes rapides, discrets... Des qualités qu'ils n'ont pas et regrettent, car vous parvenez à les prendre par surprise...

Voilà, maintenant elle connaissait un peu des Bipèdes. Pas tout, car lui-même n'était pas entièrement satisfait des explications de la femelle. Si elle en voulait plus, elle n'avait qu'à parler plus elle aussi. Elle était tout de même d'une mauvaise fois à faire peur: ne pas donner son nom, voilà bien une pratique de sauvage apeurée par l'inconnu. Il trouvait cela futile, et inutile : un nom ne révélait qu'un morceau de la personnalité d'un loup. Les autres morceaux, c'était à lui de les découvrir, par quelque moyen que ce soit...
Il lui fit part de cette réflexion :
-Tu sais, cacher ton nom ne sert à rien avec moi. J'ai tant voyagé que j'ai appris à connaître les gens par moi-même, pas grâce à leur nom. Moi, je ne t'ai rien caché car tout en moi indique que je suis sauvage. Je ne souhaite pas le cacher, ma vie est basée sur cette sauvagerie, et sur tout ce sang que j'ai fait couler. Mais toi... Toi, tu es différente. Curieuse, tout en restant mystérieuse. Mais gare à toi, bâtarde, Mwitu n'est pas loin. Et aux quelques traits de caractères que j'ai déjà décelé chez toi s'en ajouteront d'autres au fur et à mesure que tu bougera, parlera, ou dira avec tes yeux...